Pour son premier CD monographique, Johan Farjot propose un programme de pièces courtes, pour un à huit instruments (New York City, pour double quatuor de saxophones). Dans ce mélange de concision et de magie, on retrouve l’essentiel de ses préoccupations de compositeur. Perpetuum mobile, ostinatos, imitations, questions et réponses serrées : la plupart des pièces du CD révèlent sa prédilection pour les systématismes. Mais s’il apprécie les symétries, il les préfère légèrement tronquées. S’il répète, c’est pour introduire des modifications, même infinitésimales. Ses horloges se détraquent, ses obsessions sont minées de l’intérieur par les décalages. S’il goûte les climats non modulants, il les pimente volontiers de rencontres de notes acides. Et plus généralement, s’il a recours à des éléments de vocabulaire stylistique déjà exploités par ses prédécesseurs, sa façon de les combiner n’est jamais conventionnelle. Compositeur pétri d’influences, il est original par sa façon de couler une sève américaine dans un creuset typiquement français. Quand il compose pour une formation, Farjot écrit toujours en connaissance de cause. Non pas contre, mais toujours pour l’instrument. D’où sa prédilection pour les cordes à vide, qui magnifient les instruments à archet et leur donnent une couleur ancestrale ; d’où, également, sa tendance à toujours rechercher le confort digital, l’idiosyncrasie organologique. Dans toutes ses pièces, la contrainte instrumentale est une source d’expressivité accrue, un stimulant à l’imagination. On dirait qu’il a fait sien ce mot que l’on attribue à l’Oulipo : « la contrainte libère ».

Karol Beffa

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